Crédit photo: Robert Scoble/FlickrCC
Une innovation de rupture est une innovation qui, venue de loin, finit par bousculer les technologies en place. Un bon exemple nous est donné par Skype. Une innovation incrémentale est une simple amélioration d'un produit ou d'un service existant. Concevoir une innovation de rupture est relativement facile. La vraie difficulté consiste à la faire percer sur le marché.
En ce qui concerne l'innovation de rupture, un des problèmes dont on parle rarement est que plus on est en avance, plus on est loin de la norme -ce qui implique la notion de rupture- et plus il est difficile de gagner de l'argent. La raison est que, par hypothèse, il n'y a pas encore de marché. L'innovation incrémentale, elle, permet de renouveler un marché existant, de le développer et de mieux l'exploiter.
A titre d'exemple, le patron de Toyota, qui a bien compris le problème, demande à ses employés de multiplier les innovations incrémentales et se méfie des autres. Tesla, le fabriquant de voitures électriques, nous fournit quant à lui une illustration paradoxale: incapable de créer tout seul le marché, il a été obligé de mettre ses brevets en Open Source pour que d’autres l'y rejoignent et le développent.
Un pari audacieux
Mais nous voyons pourtant des innovations de rupture qui réussissent, qui font la fortune de leurs créateurs et changent nos façons de vivre. Pour que le système marche, il faut du capital risque assez audacieux pour parier sur une entreprise qui n’a pas de business modèle trouvé. N’oublions pas qu’il a fallu des années à Google, Facebook et Twitter pour gagner de l’argent. Ils ont pourtant trouvé le modèle nécessaire à toutes les phases de leur développement. En définitive, cela a fini par se chiffrer en milliards de dollars, comme on le voit en ce moment avec Uber et AirBnB.
Ça n'est pas toujours le cas et même les meilleures startups échouent. Elles ne trouvent pas l'argent pour tenir, malgré les promesses de leur innovation.
D'autres se récupèrent en opérant un rétablissement stratégique et en modifiant ou en réduisant leurs ambitions. C'est ce qu'on appelle "pivoter" dans le jargon des startups comme le montrent ces deux exemples.
Twitter est née d'Odeo, une application pour trouver des podcasts qui, pour faire face à la montée d'iTunes a décidé de se transformer en une simple application de micro-blogging. Instagram est née sous le nom de Burbn, comme une application de jeux trop compliquée pour séduire beaucoup de monde. Elle a connu le succès à partir du moment où les créateurs ont éliminé tout ce qui gênait pour ne garder que les photos.
Créer des conditions favorables
On parle beaucoup des innovations disruptives parce qu'elles permettent à quelques privilégiées de faire fortune tout en disant qu'ils changent le monde. C'est facile d'en rêver mais plus difficile à mettre en place, notamment en France. Pourquoi? Pour des raisons d'ordre culturel et sociétal: l'innovation en général et, à fortiori, l'innovation de rupture, ne se planifie pas. Elle arrive. Elle ne vient pas d’une décision d’en haut. Il faut se contenter de créer les conditions d'émergence au lieu d'essayer de tout contrôler. Nous en avons parlé maintes fois.
Nous souffrons aussi d'autres problèmes. Par exemple, le marché national est trop petit alors que nous sommes incapables, ou nous nous refusons, de créer un vrai marché européen. Aussi, les piliers de notre fonctionnement économique sont de vieilles et grosses entreprises pour lesquelles le risque est interdit. Nous n’avons pas de vrai capital audacieux (je préfère ce terme à celui de capital risque) capable d'investir pendant plusieurs années dans une entreprise sans savoir si elle va réussir. Le dernier point est que, poussés par notre retard, nous voulons des retours immédiats en oubliant que la Silicon Valley est l'histoire d'une longue patience qui a démarré dans la première moitié du siècle dernier.
En conclusion, nous ne parlons que d'innovations de rupture que nous ne sommes pas vraiment en condition de lancer à court terme. Il serait peut-être plus sage d'appeler à la multiplication des innovations incrémentales… pour commencer, bien sûr.
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